« On aime plus les fleurs quand on a de quoi vivre »


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« Toutes les femmes aiment les fleurs ». L’opinion courante l’admet au point que des hommes qui éprouveraient un faible pour les fleurs sont le plus souvent « raillés » ou carrément stigmatisés à cause de cela. Néanmoins, les fleurs ne sont pas toujours les bienvenues chez les femmes haïtiennes. Cela, à en croire des personnes interviewées, dépend non seulement de l’origine sociale de la femme, mais aussi de sa condition matérielle d’existence. Il semble que l’« on aime plus les fleurs quand on a de quoi répondre à ses besoins ».

L’évolution de la société haïtienne n’a pas manqué de changer certains rapports que les individus développement traditionnellement avec les « choses ». Des comportements ou des modes de vie sont tout bonnement abandonnés ou se raréfient. La société haïtienne de nos jours est celle où l’on rencontre, de moins en moins, par exemple, des amoureux qui allouent une petite scène de romance sur une place publique ou détendus sous un arbre écoutant le chant des oiseaux. Fuite des romantiques ? Ou reconsidération des preuves d’amour ?

Un concret utile

Peu importe le scénario, de nos jours, il est des gens pour qui l’amour n’est pas une question de poésie ni de fleurs. Chez les deux sexes. Les gens qu’on appelle « ti blòdè » sont en réalité une catégorie de « mecs » pour qui le « concret » seul importe. Un concret utile. En fait, pas question de tourner autour du pot. Il en est de même pour les « limenas ». Les uns comme les autres n’accordent pas d’importance aux fleurs. « À quoi sert un bouquet de roses ? », rétorque une jeune femme rencontrée dans un bus assurant le trajet Pétion-Ville/centre-ville.

La jeune femme fait croire qu’elle ne voit nullement l’importance des fleurs. « Ce serait une perte de temps qu’un homme cherche à me séduire avec ça », lâche-t-elle dans ses propos. Et d’ailleurs, poursuit-elle, le sentiment d’un homme n’est pas ce qui l’intéresse. « Epi bon blòdè a pa nan bagay sa yo », avoue cette jeune femme, l’air convaincue. À écouter Kervens, nom d’emprunt, un jeune homme qui se revendique « ti blòdè », la jeune femme, semble avoir raison. « Les femmes n’ont pas besoin de fleurs, mais de bluffs », affirme le jeune homme vêtu de son « skinny » tombant sur ses fesses.

Mais apparemment, des raisons bien plus profondes déterminent le rapport de certaines femmes haïtiennes avec les fleurs. Mamay, une marchande de pâtés de la rue Gabart, à Pétion-Ville, donne ses impressions. « Très souvent c’est la situation économique des femmes qui les porte à ne pas aimer les fleurs », pense-t-elle. « Imagine par exemple une femme qui a besoin de 500 gourdes, et un homme décide de lui offrir un bouquet qui vaut deux mille gourdes. Assurément, elle s’énervera », raconte Mamay.

« Plus les femmes sont heureuses, plus elles aiment les fleurs »

C’est croire que les conditions socio-économiques des femmes influencent le type de rapport qu’elles vont développer avec les fleurs. Un jeune journaliste intéressé par ce sujet a confié son opinion là-dessus. Il croit que la béatitude a un quelconque lien avec l’intérêt qu’une femme manifestera ou non pour les fleurs. « Plus les femmes sont heureuses, plus il est possible qu’elles aiment les fleurs », défend-t’il. De plus, l’origine sociale de la femme compte tout aussi bien pour lui, pour expliquer son degré d’attachement aux fleurs.

Cependant, contrairement à ce que le collègue soutient, certaines femmes même ayant grandi dans un milieu où d’autres gens aiment les fleurs ne partagent pas ce sentiment. C’est le cas d’Erika (nom d’emprunt), une journaliste et écrivain en herbe. « Moi, ma mère aime les fleurs, on a toujours cultivé des fleurs chez moi. Mais je n’aime pas », raconte-t-elle. « Les fleurs ne me disent rien du tout. Tout comme la poésie d’ailleurs. Je fais de la poésie, mais je n’aime pas quand un mec cherche à me séduire par la poésie », renchérit la demoiselle.

Les fleurs : preuve d’amour et marque de respect

Et pourtant, de nombreuses femmes adorent les fleurs et croient encore en son symbolisme. Corine Bonheur est une jeune femme de 17 ans. Quand un ami lui a laissé clandestinement une fleur dans son sac à l’occasion de la St-valentin, elle avoue avoir ressenti tout le bonheur du monde envahir son cœur. « J’avais 15 ans. Jusqu’à présent je la garde encore chez moi. C’est toute une histoire cette fleur » raconte Corine, d’une voie émue et sincère.

Pour Corine, donner une fleur est une preuve d’amour. Une grande en plus. Mamay partage son point de vue. « Pour moi quand on m’offre une fleur, je trouve que cet homme m’aime vraiment », affirme la marchande de pâtés. Outre cela, offrir une fleur représente également une marque de respect. « Seul un homme qui respecte sa petite amie ou sa femme pense à lui offrir des fleurs », croit Mamay. Mais elle oublie que souvent les fleurs sont des jolis prétextes que les hommes utilisent pour se racheter de leurs « gaffes ».

Quoique de nombreuses femmes soient insensibles aux fleurs, celles-ci n’ont pas cessé d’être attachées au genre féminin. Il est vrai que de nombreuses femmes disent ne pas aimer les fleurs. Mais l’on peut se demander si elles ne confondent pas « besoin » et « appréciation ». Une femme peut bien apprécier les fleurs, mais elle n’en a pas besoin vu sa réalité socio-économique.

Ritzamarum Zétrenne

Le National

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